La filière textile de seconde main ne tient plus qu’à un fil !
L’industrie textile fait face à une crise sans précédent. Le 8 octobre dernier, nous apprenions que SOEX and I:Collect leader européen du recyclage de textiles, vêtements et chaussures, a demandé l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité sous administration autonome auprès du tribunal de commerce de basse Saxe, en Allemagne.
L’entreprise SOEX traite annuellement 120.000 tonnes de textiles en fin de vie et possède notamment I:Co, l’acteur principal des takeback programs pour de grandes enseignes de mode mondiales.
I:Co s’est notamment associée à des marques telles que H&M, Levi Strauss& Co., Columbia ou encore C&A. Selon le management du géant allemand, la restructuration de SOEX est motivée par « 𝑙𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑎𝑛𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑢 𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑒́ 𝑒𝑡 𝑙𝑎 𝑝𝑟𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑢𝑟𝑟𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑒𝑛 𝑝𝑟𝑜𝑣𝑒𝑛𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑑’𝐴𝑠𝑖𝑒 ».
Afin de bien évaluer l’impact que représente une telle faillite sur le marché de la fripe
allemande, cela revient à la mise à l’arrête de 20 centres de tri de la dimension de celui de l’asbl Les Petits Riens, simultanément. À l’échelle de la Belgique, cela équivaut à la disparition de 3 centres de tri de la taille des Petits Riens, d’un seul coup !
En d’autres termes, 𝐥𝐚 𝐟𝐚𝐢𝐥𝐥𝐢𝐭𝐞 𝐝𝐞 𝐒𝐎𝐄𝐗 𝐩𝐨𝐮𝐫𝐫𝐚𝐢𝐭 𝐧𝐨𝐲𝐞𝐫 𝐥’𝐄𝐮𝐫𝐨𝐩𝐞 𝐬𝐨𝐮𝐬 𝐮𝐧 𝐭𝐨𝐫𝐫𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐯𝐞̂𝐭𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐢𝐧𝐝𝐞́𝐬𝐢𝐫𝐚𝐛𝐥𝐞𝐬, si les 27 états membres de l’union européenne ne réagissent pas immédiatement !
Les acteurs belges du réemploi sont au bord du gouffre.
Ce contexte met en évidence l’état de santé désastreux de la filière textile, où des volumes croissants de vêtements et linges de maison de très mauvaise qualité inondent la planète entière. En Belgique, les acteurs du réemploi et du recyclage des textiles de seconde main n’ont jamais autant collecté qu’aujourd’hui. Paradoxalement, ils ne se sont jamais trouvés aussi proches du gouffre, et ce à l’aube de l’obligation de la collecte sélective des textiles qui
entrera en vigueur le 1er janvier prochain.
Plus aucun opérateur ne sait que faire de ses textiles non-triés, son « original », à part le stocker. Le marché de la
fripe à l’exportation est saturé et les issues en matière de recyclage sont bouchées ou inconsistantes. Les activités de vente au détail sont en dessous de toutes les prévisions budgétaires, et les stocks de textiles destinés au marché du réemploi local gonflent inexorablement.
Ce scénario catastrophe est malheureusement une réalité pour l’entièreté de la filière et est particulièrement inquiétant pour les plus gros opérateurs de collecte, de tri et de valorisation. « Ce n’est pas la première fois que la filière traverse une crise, mais il faut bien reconnaitre que cette dernière est de taille ! Elle s’explique en partie par le développement exponentiel des acteurs comme SHEIN et TEMU et l’essor de la seconde main chinoise, qui inonde le continent africain et sud-américain. », confie Franck Kerckhof, porte-parole de la Fédération RESSOURCES.
Les producteurs de fast-fashion et d’ultra fast-fashion sont les responsables de cette crise sans précédent !
Les producteurs de fast-fashion et d’ultra fast-fashion sont les responsables de cette crise sans précédent, produisant des vêtements moins chers et de mauvaise qualité, qui s’usent rapidement et sont difficiles, voire impossibles à réemployer ou à recycler.
Tout le monde le sait, l’industrie du textile est l’une des plus polluantes au monde et produit annuellement plus de 110 millions de tonnes de textiles, dont la plupart termineront leur cycle de vie à peine 12 mois après leur mise sur le marché. Néanmoins, les producteurs de textiles n’ont pas l’intention d’appliquer le principe du « pollueur payeur », estimant que lemarché du textile de seconde main est un marché à valeur positive.
Il est vrai qu’une partie des textiles en fin de vie peuvent être valorisés positivement via lemarché de la seconde main locale ou en ligne. Mais cette fraction ne représente que 15 à 20% des textiles en fin de vie. Les 80% qui restent à traiter sont bien des déchets à valeur négative pour lesquels une prise en charge des coûts de collecte, de tri et de valorisation en vue de leur réemploi et de leur recyclage devrait être assumée par les producteurs.
Une REP textiles ne verra pas le jour avant 2028, dans le meilleur des scénarios
Un mécanisme de Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) de textiles ne verra pas le jour avant 2028. Et pourtant, c’est bien dès aujourd’hui que la filière textile, dans son ensemble, a besoin d’un mécanisme de soutien financier permettant de couvrir les coûts de stockage et de traitements de ces textiles en fin de vie, qui ne sont pas pris en charge
par les producteurs.
C’est pourquoi, le secteur dans son ensemble exhorte les 3 régions à mettre en place un fonds d’urgence intermédiaire qui permettra de financer la collecte sélective et le tri des textiles au 1er janvier 2025.
Le secteur exhorte la Belgique et les 27 à réguler le marché du textile afin de réduire la mise sur le marché de textiles de mauvaise qualité, investir massivement dans des solutions de recyclage en Europe et imposer aux producteurs l’utilisation de fibres recyclées.
Une crise sans précédent dans le secteur du réemploi et du recyclage.
Les prix des textiles de seconde main connaissent une baisse significative, tandis que les coûts associés à la collecte, au tri et à la valorisation ne cessent d’augmenter. Depuis le premier trimestre 2024, la vente des vêtements de seconde main ne parvient plus à couvrir les frais de traitement, provoquant de graves tensions financières pour les acteurs du
secteur. Les centre de tri sont surchargés et augmentent le risque que de nombreux textiles encore valorisables finissent à l’incinérateur, et les coûts supplémentaires que cela entraîne pour les intercommunales et les régions pourraient être répercutés sur les habitants.
Un besoin urgent de compétitivité pour le secteur
À moyen terme, il est impératif de renforcer la compétitivité du secteur textile, un objectif aligné sur l’ambition de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de développer une économie sociale et circulaire robuste et compétitive. Pour y parvenir, l’UE doit stimuler la demande de textiles en fin de vie, accroître les capacités de réemploi et de recyclage et favoriser l’utilisation de matériaux durables grâce à de nouvelles normes d’écoconception et d’écomodulation. Les membres de réseau européen RREUSE suggèrent de réguler le marché en introduisant un pourcentage minimal obligatoire de textile recyclé dans tous les produits mis sur le marché européen, avec des objectifs de hausse progressive
2024 : une année catastrophique pour le secteur
Le secteur alerte sur cette crise depuis plusieurs mois. Dès la fin du premier trimestre, les membres du réseau RREUSE dénonçait déjà la situation difficile des acteurs de l’économie sociale et circulaires de textiles européens. Des préoccupations similaires se font entendre au niveau national : aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Autriche.
Franck Kerckhof, Porte-Parole de RESSOURCES – 0475/29.85.36 – f.kerckhof@res-sources.be